L’aube

Ernest Schoeren, sa femme Joséphine Plun et sa fille Berthe-Léonthine en 1910

Ernest Schoeren, sa femme Joséphine Plun et sa fille Berthe-Léonthine en 1910

En 1892, le village de Meix compte un millier d’habitants; la jeunesse y est nombreuse, les divertissements rares. Une idée germe dans l’esprit de quelques-uns: pourquoi ne pas créer une fanfare ? Certains villageois possèdent déjà un instrument de musique, vraisemblablement de qualité médiocre. De plus, ils en jouent mal, personne n’étant capable d’assurer leur éducation musicale…

Mais en septembre 1892, le conseil communal contacte Joseph-Ernest Schoeren, un jeune instituteur de Virton, sorti depuis peu de l’Ecole Normale de Couvin, dont l’enthousiasme et les connaissances musicales tombent à point nommé pour instruire Ies jeunes candidats musiciens.

Monsieur Schoeren est engagé 5 ans comme instituteur communal, et, dès le mois de novembre, les leçons de musique commencent, l’instituteur en titre, Nicolas Joseph Dropsy, apportant son soutien à la Fanfare après quelques hésitations.

Les cours, qui ont lieu à l’école primaire (aujourd’hui disparue) située entre la rue Eaubruchet et la rue de Virton, sont donnés chaque mardi et jeudi de 19h30 à 21 h. Plus 60 jeunes assistent régulièrement à cet enseignement, et les progrès se font sentir rapidement.

La fondation

L’apprentissage de la musique est une chose, se donner les moyens de la pratiquer en est une autre. Une réunion est alors programmée le 11 décembre 1892 à l’école des garçons, où l’on décide officiellement de la création de la société, qui prendra mme nom « Fanfare de Meix-devant-Virton ». Un règlement très strict est alors édicté. On fixe son entrée en vigueur au 1er janvier 1893.

Les premiers pas

Affiche du premier concert le 25 mars 1894

Affiche du premier concert le 25 mars 1894


A l’époque, la Société est placée sous les auspices, la surveillance et la protection de l’administration communale. Il faut savoir qu’à cette époque, la commune soutient volontiers la Fanfare, dont les dirigreants partagent son option politique de tendance « libérale ». Cette situation sera la cause de nombreuse dispute. Le 15 décembre plus de vingt jeunes se font inscrire pour acheter, à leurs frais, un instrument. Le 22 décembre, le conseil communal leur accorde un subside de 200F. Deux jours plus tard, soit le 24 décembre, messieurs Dropsy et Schoeren partent à Bruxelles acheter les instuments. « La société », je cite, « échangera un ramassis de vieux instruments plus de 150F, contre une contrebasse, deux tubas, deux trombones, trois barytons, quatre altos, six bugles, cinq piston. Le 1er janvier 1893 c’est le grand jour, la Société est prête à fonctionner et les instruments arrivèrent les jours suivant.

Le nouveau local

Troupe théâtrale en 1907

Troupe théâtrale en 1907


Le comité a déjà évoqué le principe de construire un nouveau local dès 1949, car l’exiguïté du local existant ne correspond plus à la destination que la Société veut lui donner. Le comité désirerait une vraie salle de spectacle qui servirait aussi de salle de cinéma. Il lui faut cependant de l’argent, beaucoup d’argent. Afin de le récolter, le comité décide d’émettre des bons de caisse qui seront remboursés au plus vite.

La souscription est donc lancée. Les amis du Cercle musical répondent massivement. La Commune décide de céder un terrain pour la construction, d’une contenance de 7 ares 90. Le prix fixé est de 13.882 F 50. Nous sommes en 1955. Le 25 mars 1956, la firme Camus Fres d’Izel est déclarée adjudicatrice du gros-œuvre pour la somme de 255 546 F 80. Le 10 mai 1956, à 18 heures, la pre- mière pierre est posée.

Un parchemin est déposé dans la fondation et la pierre est scellée par le président, Victor Fagny. Pour glorifier cet événement, un concert est donné à l’emplacement du local, suivi d’un vin d’honneur. Les lampions éteints, le travail commence. Un travail immense est réalisé par les bénévoles de la Société. Après la réalisation du gros-oeuvre, jour après jour, sans compter leur peine, ils se relaieront pour doter la Société d’un outil de première valeur que beaucoup nous envient encore aujourd’hui. Maçons, électriciens, couvreurs, tous sont au poste et le travail avance vite. Tout est complètement terminé le 12 mai 1957, un an exactement après la pose de la première pierre. Quel exploit !
Notons qu’à partir de 1961 le cinéma prend fin: l’évolution du temps.

Le 75e anniversaire en 1968

75ème anniversaire

75ème anniversaire


Cette année, qui aurait dû être une année mémorable pour la Société, débute mal: le président Victor Fagny décède. Il aura été lui aussi un grand président. Il a, pendant sa présidence (23 ans, un fameux bail), connu beaucoup de bouleversements: la constitution de l’asbl, la construction du nouveau local sont les deux plus grandes réalisations auxquelles il a participé active- ment. Il peut reposer en paix, sa Société se porte très bien. Maurice Dumont succède donc à ce grand animateur. Les festivités du 75e débuteront le 29 juin par un concert.

Invitées, la Fanfare Communale de Saint-Léger (qui se produit le samedi soir), la Saint-Bernard de Meix ainsi que l’Union de Musson (le dimanche). Après le concert, le Cercle musical au grand complet défile dans le village. Le grand tour se terminera par la réception offerte par l’administration communale. Le samedi suivant, la fête est clôturée par un grand banquet à l’hôtel « Fin Bec ». Celui-ci réunira 63 convives et l’ambiance sera au rendez- vous.

Réorganisation de la société

Jean-François Claisse

Jean-François Claisse


Il s’appelle Jean-François Claisse et est originaire d’Ethe. Immédiatement, il va prendre le taureau par les cornes, et réorganiser en profondeur la structure des pupitres. Sa manière de travailler est toute différente: petit à petit, sans trop bouleverser les traditions, il va inculquer une autre âme pour amener la Société au niveau qu’elle a aujourd’hui et en faire ce qu’elle est, une belle formation, adorée par ses plus farouches partisans, jalousée par les autres. En résumer une belle réussite.

Au fil du temps, les progrès se font sentir, le comité lui fait pleinement confiance et l’épaule dans son travail de réformes. Des habitudes sont changées comme le concert de la fête qui se joue à l’intérieur, et , chose importante, il force le comité à remplacer le bric-à-brac d’instruments. Car il ne suffit pas de former de bon musiciens, il faut les équiper du matériel adéquat.

Passage à la RTB

RTBF 1980

RTBF 1980


Le 11 octobre 1980, le cercle musical rentre en studio de la RTB pour l’enregistrement image du film retraçant la vie d’Adolphe Sax. Ce film sera diffusé un peu plus tard sur les ondes de la RTB et connaîtra un franc succès. Le réalisateur n’est autre que le célèbre Gérard Corbiau, qui a connu la gloire avec le film « Le maître de la musique ».

Le mot de la fin

Le Cercle musical devient progressivement une petite entreprise avec toutes les contraintes que cela comporte. Tout au long de sa vie, malgré bien des remous, il a compté dans ses rangs des gens de bonne volonté dont la clairvoyance a permis à la Société de trouver la meilleure voie.

Liste des membres

Liste des membres

J’espère qu’il en sera toujours ainsi; j’espère de tout mon coeur que le Cercle musical vivra encore longtemps, et que je serai toujours dans ses rangs pour fêter son 150e anniversaire. Je souhaite à notre groupement un avenir rose et je suis sûr que tous, malgré les inévitables petits différends qui peuvent surgir, mettront de l’eau dans leur vin pour le bien du Cercle musical. J’ose espérer que la jeunesse n’abandonnera pas notre Société, qu’elle poursuivra, avec l’aide des anciens, le travail de longue haleine que nos prédécesseurs nous ont légué.

L’engouement extraordinaire dont jouissaient nos Musiques a disparu au fil des temps, mais la place qu’elles tiennent au sein de notre civilisation est sans égale, tant au point de vue social qu’éducatif.

Malheureusement, les pouvoirs publics ne s’en rendent pas compte. La place prise par la fée télévision, la multiplication des activités autres que culturelles, aboutiront, si on n’y prend garde, à la disparition d’une grande partie de notre patrimoine musical. Néanmoins le bon sens aura le dessus et, tôt ou tard, l’on se rendra compte des dégâts causés, et l’on y remédiera à temps. Je compte sur la jeunesse pour ouvrir les yeux de ceux qui se les cachent: elle a l’énergie pour le faire, nous serons là pour l’épauler et, ensemble, nous ferons briller au firmament le drapeau du Cercle musical.

La musique adoucit les moeurs,
prenons-en conscience avant qu’il ne soit trop tard.